Désolations (Caribou island) de David Vann

Désolations (Caribou island) de David Vann

J'étais impatient de lire le 2ème roman de David Vann, après l'excellent Sukkwan island (voir ici et ici). In cold blog m'a fait saliver. Merci à Cécile pour le prêt du livre ;)

Sur les rives d’un lac glaciaire au cœur de la péninsule de Kenai, en Alaska, Irene et Gary ont construit leur vie, élevé deux enfants aujourd’hui adultes. Mais après trente années d’une vie sans éclat, Gary est déterminé à bâtir sur un îlot désolé la cabane dont il a toujours rêvé. Irene se résout à l’accompagner en dépit des inexplicables maux de tête qui l’assaillent et ne lui laissent aucun répit. Entraînée malgré elle dans l’obsession de son mari, elle le voit peu à peu s’enliser dans ce projet démesuré.

Les premières pages commencent directement par la construction de cette cabane sous une forte tempête sur Caribou island. Le décor est planté, l'ambiance aussi. L'auteur ne se contente pas de rester sur l'île mais s'attarde sur plusieurs histoires, celles de la fille d'Irène et de Gary, Rhoda et celle de son mari, Jim.

La lecture de ce roman devient vite oppressante. J'y ai retrouvé le même sentiment que j'avais éprouvé à la lecture de Sukkwan island : on sent bien que quelque chose ne va pas chez les personnages au bord du gouffre, prêts à éclater, à changer de peau. Et ça va crescendo. Plus on avance dans le roman, plus on étouffe.  

Alors que Sukkwan island faisait place à l'action avec très peu de temps mort, David Vann préfère ici prendre son temps. Il rentre profondément dans la psychologie de ses personnages. Et c'est plutôt réussi (parfois un peu trop appuyé à mon sens). Des personnages aux abois, qui regardent sans cesse vers le passé. Peur de l'avenir et de reproduire le schéma familial. Que des réjouissances je vous dit ! Leurs histoires et les situations dans lesquelles ils sont confrontés frisent parfois les clichés. Mais ces événements permettent de faire ressurgir la vérité qui ne voulaient pas voir et les prises de conscience éclosent enfin (pour certains seulement).

Il ne faudrait pas oublier la nature qui au-delà d'être un décor pèse sur cette histoire, est indéniablement un personnage à elle toute seule. Sans parler de cette cabane, véritable refuge et révélateur.

Plus on avance dans le roman, plus on étouffe, au même titre que les personnages. David Vann n'épargne ni ses personnages ni son lecteur. Il s'autorise quelques moments plus lumineux, voire drôles. Mais le pessimisme, le mal-être  restent les maîtres mots de ce roman. 300 pages de noirceur sans grande issue de secours. Je dois bien avouer que j'étais plutôt content d'arriver à la fin. 

On ne lit pas pour être heureux, mais pour être mis à l'épreuve déclare David Vann. Pari réussi !

Commentaires

Yan a dit…
Celui-là, je l'attends avec d'autant plus d'impatience que ce qu'en a dit David Vann au festival de Frontignan, en faisant le parallèle avec sa propre histoire familiale,a vraiment éveillé ma curiosité. Sûr que ce sera encore une lecture éprouvante.
From the avenue a dit…
c'est vrai que là encore, il fait référence à sa propre histoire comme dans sukkwan island. une lecture dont on ne sort pas indemme.
In Cold Blog a dit…
On ne lit pas David Vann pour se payer une bonne tranche de rigolade, c'est certain ! ;o)
Malgré sa noirceur d'encre, le nœud dans le ventre qui se fait plus violent à mesure qu'on avance dans le récit, ce roman reste pour moi le souvenir d'une très bonne lecture. (Merci pour la vidéo de Vann & Gallmeister, postée juste avant, que je ne connaissais pas.)
La petite souris a dit…
en tête de ma liste de courses !!!^^ et dire que j'ai loupé l'auteur à Frontignan quand j'y étais !!
From the avenue a dit…
@ In cold blog : j'ai écrit mon billet à chaud...encore remué....et je venais aussi de découvrir la vidéo peu de temps avant...
From the avenue a dit…
@ Bruno : arff, bah alors !!! j'ai eu l'occasion de rencontrer Olivier Gallmeister : il te parle de sa maison d'édition très simplement (à contre courant de certains éditeurs qui se la pêtent un peu) et transmet chaleureusement sa passion des grands espaces ;)
Yv a dit…
Nul doute que ce livre va faire parler après le succès du précédent. Pour ma part, je suis preneur des grands espaces et des atmosphères étouffantes.
From the avenue a dit…
effectivement, il y aurait tellement à dire sur ce livre. ce billet effleure ce que j'en pense en profondeur....j'ai préféré évoquer mon ressenti premier et faire une sorte de comparaison avec "sukkwan island" qui a rencontré de nombreux lecteurs...pour ceux qui aiment les grands espaces, ils seront servis. Les atmosphères étouffantes aussi ;)
le Bison a dit…
Après Sukkwan Island comme premier roman, je me disais que le second de David Vann ne pourrait être que Déceptions. Or, Désolations est tout aussi sombre. Moins brutal, mais plus suffocant, il nous entraîne sur une terre de plus en plus hostile. Un lac gelé, une île aux vents et une cabane étouffante. SUPERBE ! Sombre mais comme tu le soulignes, on ne lit pas pour être heureux...
Guillaume a dit…
je te rejoins tout à fait dans ton commentaire ! envie de littérature légère après ça ;). Merci pour ta visite. A bientôt